dimanche 3 septembre 2017

Hotel Singapura d'Eric Khoo, 2015

HOTEL SINGAPURA
d’Eric Khoo
2015
Singapour
avec Choi Woo Shik, Josie Ho, Sho Nishino, George Young, Kkobbi Kim
90 minutes
Chronique sociale
aka In the room
Synopsis :
Un prestigieux hôtel de Singapour, sur une période d’un siècle, couvrant de 1940 à 2040…
Le film nous narre les pérégrinations des différents clients et occupants de la chambre numéro 27 de cet hôtel, que ce soit des prostituées et leur responsable qui leur inculque des règles formatrices pour mettre en valeur leurs atouts et leur beauté afin de séduire les hommes qu’elles vont rencontrer ou la mort par overdose letale de Vernon, un célèbre chanteur de musique pop, sa rencontre furtive avec Imrah, une femme de chambre, dont il tombe instantanément fou amoureux…
« Hotel Singapura » nous fait suivre également les tranches de vies de couples, qu’il soient hétérosexuels ou gays, ainsi nous rencontrons le jeune Min Jun, vierge de rapports sexuels et son amie Seo Yun, une jeune chinoise frustrée qui ne parvient pas à trouver l’orgasme malgré de nombreux partenaires ou Mariko, une superbe femme mariée dont son jeune amant est follement amoureux…
Puis le film bascule dans l’onirique et le fantastique par le biais de l’apparition de Vernon et Imrah en spectres et ce, jusqu’à l’issue du métrage où l’hôtel est devenu délabré et insalubre…
De nombreuses séquences de sexe rythment le film qui s’axe essentiellement sur les rapports de couples entre les protagonistes, tout y est montré sans esbroufe et de façon ultra réaliste, avec une musique raffinée et un sens de l’esthétique très appuyé…
Mon avis :
« Hotel Singapura » est une œuvre très singulière, un pur OVNI dans le cinéma asiatique et dans le cinéma tout court ; Eric Khoo nous transporte avec une grande finesse dans un festival de sexe et de luxure mais oublie d’être voyeuriste, le sexe en lui-même est le vecteur de l’histoire du film mais ne devient jamais la raison de racoler ou d’appâter, le sexe est le levier pour raconter de belles histoires, tantôt dramatiques tantôt oniriques mais toujours basées sur l’amour et la quête du bonheur…
Très émouvant et magnifiquement mis en scène, « Hotel Singapura » se suit de façon linéaire, les cadrages sont recherchés et le film évite le côté basique, se rapprochant presque du cinéma de Kitano, en plus frontal et moins lyrique, malgré une élégie certaine qui imprègne tout le film du début (les deux homosexuels qui doivent se séparer à cause de la guerre) à son issue (l’hôtel est devenu délabré et il ne reste que les spectres des amoureux Imrah et Vernon, sans doute l’histoire d’amour la plus atypique qu’on ait vue depuis longtemps)…
Eric Khoo a réussi son pari avec « Hotel Singapura », à savoir mélanger érotisme avec mélancolie, frustration avec frénésie, le tout baignant dans une grâce et une intelligence de traitement peu communes, nombre de réalisateurs se seraient plantés mais Khoo suit son chemin, sa ligne directrice et nous raconte son histoire sans jamais dévier dans le grivois, il s’attache et nous fait s’attacher à ses personnages, véritable panel de la société avec un éventail de toute la jeunesse folle et dissipée vivant pour le sexe ou… en souffrant aussi…
Œuvre méconnue et qui sortit en catimini en 2016, « Hotel Singapura » délivre une approche très intéressante de la société asiatique, c’est un film inhabituel dans le panorama du cinéma auquel il s’apparente que je vous recommande fortement, malgré des scènes parfois explicites qui risqueront de rebuter…
Le cinéma de Khoo est proche de celui de Larry Clark, il en est une déclinaison asiatique, il y a également un peu de Gaspar Noé dans « Hotel Singapura » mais sans la violence…
Dommage que le film n’ait pas été présenté à Cannes, il n’y a aucun doute qu’il aurait produit un grand effet sur les festivaliers et peut être raflé des récompenses…
« Hotel Singapura » est à l’image de sa rareté, un peu comme un joyau ou un bijou qu’il faut contempler dans son ensemble, l’impact de ce film se bonifiera avec le temps…
Du très grand cinéma !
Note : 8/10




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