dimanche 4 mars 2018

Oedipe roi de Pier Paolo Pasolini, 1967


ŒDIPE ROI
de Pier Paolo Pasolini
1967
Italie
avec Alida Valli, Franco Citti, Silvana Mangano, Ninetto Davoli, Carmelo Bene
Fresque métaphysique et initiatique
104 minutes
D’après l’œuvre de Sophocle
aka Edipo re
Synopsis :
Un village de Lombardie, dans les années mille neuf cent vingts, puis une période de la Grèce antique, puis Bologne en Italie en 1967…
Un nourrisson nait, il tête le sein de sa mère, on suppose qu’il s’agit déjà d’Œdipe dans l’histoire…Un père, dont on sent l’animosité et la représentation du mal, est jaloux après la naissance de son fils, il l’attache et le pend par les pieds…
Puis Œdipe, plus âgé, est devenu un jeune homme brun d’une vingtaine d’années, il est combattant, comme un guerrier errant dans une zone désertique et aride…
Il est amoureux de Jocaste, il est destiné à l’aimer ; Œdipe libère l’oppression du Sphinx en combattant ses sbires qu’il tue un par un, sauvant ainsi les habitants malheureux, il devient roi aux yeux de la population…
Œdipe rencontre l’oracle d’Apollon dans le village de Delphes, ce dernier l’informe d’une prophétie invoquant une situation irrémédiable : Œdipe tuera son père et fera l’amour avec sa mère !
Créon, le frère de Jocaste, fait partie de l’entourage d’Œdipe et la peste commence à faire des ravages…
Lorsque Jocaste, après une nuit d’amour avec Œdipe (elle est la représentation de la génitrice d’Œdipe, mais avec un physique beaucoup plus jeune) est retrouvée pendue, Œdipe déclenche une crise d’hystérie et se crève les yeux…
Pour guise d’épilogue, nous finissons le film à Bologne, à la fin des années soixante, Œdipe est un aveugle qui joue de la flûte, dans la rue, à côté de passants indifférents…
Angelo, le messager supposé réincarnation de l’oracle de Delphes, l’accompagne et l’aide à marcher…
Mon avis :
Tourné dans les paysages du Maroc, « Œdipe roi » est une œuvre phénoménale, une des plus abouties de Pasolini et le reçu à sa sortie fut unanime que ce soit au niveau des critiques que du public, « Œdipe roi » est du cinéma de très haut niveau, élitiste et insolite qui se réserve à une poignée de cinéphiles surouverts tant l’approche qu’on doit avoir pour le visionnage s’avère difficile et périlleux, mais techniquement « Œdipe roi » est un film à part, risqué mais avec du recul, grandiose !
Pasolini s’approprie le mythe d’Œdipe pour en donner SA version, il dit lui-même lorsqu’il fut interviewé à la sortie que pour lui le film fut facile, simple et limpide, donc faisons lui confiance, laissons- nous emporter dans un délire délice visuel totalement en dehors des codes de narration…
Certes, « Œdipe roi » rebutera les trois quarts des spectateurs mais les autres salueront la grâce de la mise en scène, très latine mais à des kilomètres de cadors comme Fellini ou Bava ; certains passages paraitront insupportables, d’autres sont fabuleux, tout dans « Œdipe roi » est complètement barré, même les costumes ne sont pas d’époque (c’était voulu par Pasolini), il tourna son film dans des endroits désertiques et vidés de toutes traces de civilisations pour appuyer le côté insolite du film, « Œdipe roi » est une plongée dans l’inconnu total !
Scindé en trois micro-parties, »Œdipe roi » a le segment du milieu le plus long (celui de la Grèce antique), la représentation de l’oracle, les scènes lumineuses de combat, les victimes de la peste, tout confère dans « Œdipe roi » à rendre le film atypique, on n’a jamais vu un tel film nulle part de cette audace, Pasolini fait virevolter sa caméra à trois cent soixante degrés avec les arbres d’où le soleil laisse traverser ses rayons (Kurosawa le faisait aussi), psychanalytiquement « Œdipe roi » est une transposition moderne du syndrome d’Œdipe, Pasolini s’en sert de levier pour sa mise en scène mais capte, par sa direction des acteurs, une aura de chaque plan séquence, c’est un film hyper envoûtant…
Très dense, aux coloris chauds et à l’acheminement cinématographique oppressant, « Œdipe roi » sera tout ou rien, soit on y adhère soit on arrête le film…
« Œdipe roi » se v(o)it comme une totale expérience de cinéma mais n’en reste pas moins un des plus grands films de son auteur, Pasolini gagne en osant en permanence, c’est cela le charme premier d’ »Œdipe roi », film jusqu’au-boutiste et miraculeux, emporté par une folie totale que certains à l’époque qualifièrent de « suicidaire »…
C’est dire à quel point les codifications du cinéma sont poussées, cinquante années après, « Œdipe roi » reste une œuvre essentielle du septième art italien…
Note : 10/10












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