dimanche 29 avril 2018

Laissez bronzer les cadavres de Hélène Cattet et Bruno Forzani, 2017


LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES
de Hélène Cattet et Bruno Forzani
2017
France/Belgique
avec Bernie Bonvoisin, Stéphane Ferrara, Dominique Troyes, Elina Lowensohn, Dorylia Calmel, Michelangelo Marchese, Marc Barbé
Polar atypique
89 minutes
aka Let the corpses tan
Musique, entre autres, de Stelvio Cipriani et Ennio Morricone
d’après le roman de Jean-Patrick Manchette
Synopsis :
Une bâtisse abandonnée en Corse, au bord de la Méditerranée, en plein été…
Luce, une artiste peintre, végète sous le soleil et vit chichement, l’endroit est en ruines et dénué de tout confort mais cela semble convenir à la jeune femme ; Max Bernier loge également avec Luce…
Gros et Rhino, deux gangsters de la pire espèce, ont braqué un fourgon blindé et ont volé des dizaines de lingots d’or, après avoir abattu la totalité des convoyeurs ; les braqueurs foncent afin de regagner la planque où se trouvent Bernier et Luce, pensant être à l’abri…
Deux éléments inattendus vont perturber leur plan : un motard de la police et sa coéquipière qui se trouvaient dans un café savent qu’il y a eu le casse et deux femmes (dont une est l’ex de Bernier) ainsi qu’un jeune garçonnet, barrent la route à Gros et Rhino, ces derniers n’ont d’autre choix que de les prendre en voiture avec eux...
Tout ce petit monde arrive dans la bâtisse, ce qui créée des conflits inévitablement, d’autant que d’autres gangsters complices se disputent la part des lingots…
Alors que Gros fait l’amour avec Luce, les motards de la police, surarmés, débarquent…
Un véritable carnage se produit !
Mon avis :
Après « Amer » et « L’étrange couleur des larmes de ton corps », « Laissez bronzer les cadavres » est le troisième film du duo prodige Cattet/Forzani qui adapte un roman de Manchette sorti en 1971 et là, on a l’impression qu’ils sont allés encore plus loin dans leurs recherches graphiques, « Laissez bronzer les cadavres » est simplement extraordinaire ! Cattet et Forzani ont réinventé le polar et le cinéma en général, ils baladent le spectateur pendant une heure trente avec des trouvailles incroyables, des plans, un graphisme que l’on a vu nulle part ailleurs dans un film, mais on pourrait dire : «eh les réals, arrêtez de vous palucher, trop de technique finit par tuer la technique ! » sauf que là PAS DU TOUT ! le film passe nickel, pas d’écoeurement ni d’illisibilité, on se prend une volée ; l’histoire du vol de lingots aurait pu être n’importe quel autre élément cinématographique, Cattet et Forzani ont agrémenté leur œuvre d’éléments oniriques ou fantasmatiques, l’ensemble très méthodique se savoure du début à la fin et pour comprendre la démarche des réalisateurs, un second visionnage s’impose (je l’ai revu le lendemain de mon premier visionnage), on y découvre ainsi des éléments qui risquaient de passer inaperçus (l’allusion à l’alchimie comme dans « Inferno » de Dario Argento avec la salamandre, les plans obsessionnels de fourmis –symbole de l’onanisme si l’on se réfère au « Chien andalou » de Bunuel et Dali, une séquence très stylisée d’uropihilie avec l’urine chaude et brulante qui peut symboliser l’or volé ou le soleil), « Laissez bronzer les cadavres » est le film SOLAIRE d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, alors que « L’étrange couleur des larmes de ton corps » était plus sombre, plus crépusculaire ; on retrouve un copié collé des deux films avec cette femme dont on ne distingue pas le visage et qui fait tournoyer ses longs cheveux, là franchement c’est du travail exceptionnel qu’ils ont fait…
Les décors sont magnifiés avec des cadrages à la Sergio Leone mais Cattet et Forzani savent garder leur style, les acteurs et actrices sont tous crédibles et jouent comme il le faut sans redondance, Elina Lowensohn est très charismatique et possède un visage très atypique, c’est un bonheur absolu de retrouver Dominique Troyes (Marylin Jess) en policière motarde, elle possède une aura de folie avec sa tenue en cuir et sera malmenée dans le film, quant à Bernie Bonvoisin et Stéphane Ferrara, ils prouvent une nouvelle fois qu’ils sont d’excellents comédiens…
Les grincheux qui se plaignent d’un manque d’originalité dans les films qui sortent chaque semaine, alors pour une fois, on peut difficilement faire plus original que dans « Laissez bronzer les cadavres », c’est pourquoi il est vraiment important de soutenir ce film, qui pousse très loin dans la recherche cinématographique et qui comblera les cinéphiles (la bande son reprend des thèmes de giallo des années soixante-dix, notamment « Qui l’a vue mourir » -je l’ai reconnu, on l’entend dix minutes avant la fin du film-
Exceptionnel à tous les niveaux, « Laissez bronzer les cadavres » doit se voir et se savourer sans aucune modération, c’est un coup de maitre et Cattet et Forzani ont poussé leurs ambitions au summum de ce que des réalisateurs pouvaient atteindre ; réussi à 100 %, « Laissez bronzer les cadavres » laisse au bord de la route tous les autres polars sortis auparavant, la barre est montée de vingt crans avec ce film et il sera très dur de faire mieux après ça !
Les cinéphiles seront sensibles à ce métrage, le public lambda, il faut le reconnaître, aura un peu de mal, mais ce n’est pas grave, ce qui compte c’est que ce film ait pu être créé et financé et qu’il soit là, c’est un bonheur absolu…
Hélène Cattet et Bruno Forzani se sont envolés avec « Laissez bronzer les cadavres » !
Note : 10/10













dimanche 22 avril 2018

Le grand inquisiteur de Michael Reeves, 1968


LE GRAND INQUISITEUR
de Michael Reeves
1968
Grande Bretagne
avec Vincent Price, Ian Ogilvy, Hilary Dwyer, Rupert Davies, Paul Ferris, Nicky Henson
Film historique
85 minutes
aka Witchfinder general
DVD édité chez Neo publishing
Synopsis :
Grande-Bretagne, au dix-septième siècle…
Le pays est en pleine guerre politique et religieuse, les partisans de Cromwell luttent contre les opposants au pouvoir et la bataille est rude et se compte en milliers de morts, le plus souvent exécutés sommairement…
Matthew Hopkins, autoproclamé « Grand inquisiteur », est un être abject et cruel qui sillonne les contrées du royaume et tue arbitrairement des gens considérés comme « hérétiques », la seule preuve qui pourrait justifier ses crimes effroyables est un pique planté dans le dos des gens accusés, condamnés directement au bûcher ou à la pendaison !
John Lowes, un ecclésiastique paisible et inoffensif, est victime de rumeurs folles par la population ; sa nièce Sarah est promise à Richard Marshall, nommé capitaine par l’armée royale, Richard parvient à se libérer pour retrouver Sarah, mais le lendemain, il devra rendre des comptes à sa hiérarchie au risque de passer pour un déserteur…
Hopkins, avec l’aide de ses acolytes, débarque chez les Lowes et sème le chaos !
Hopkins, attiré par les jeunes femmes, laissera Sarah en vie mais, après un simili-test avec le pique, condamnera John Lowes qui finira pendu !
Sarah sera violée par un des sbires de Hopkins, qui l’avait abandonné lors d’un contrôle avec des écuyers de l’armée…
Après tous ces forfaits, Hopkins pensait s’être débarrassé de tous ceux qui pouvaient le gêner, c’était sans compter sur Richard qui retrouve sa trace !
Après s’être battu dans une taverne avec les hommes de Hopkins, Richard est emprisonné et jeté dans un cachot…
Lorsque Hopkins débarque, Richard est fou de rage…
Marshall enclenche une lutte à mort avec Hopkins !
Mon avis :
Film réalisé par un génie du cinéma au destin tragique et sidérant (Michael Reeves en était à son quatrième film avec « Le grand inquisiteur » et est mort l’année suivant sa sortie à, tenez-vous bien, vingt- cinq ans !!!), « Witchfinder general » est une œuvre immense que certains n’eurent pas peur de comparer à du Spielberg, tant l’innovation pour le septième art est grande !
Traitant de l’inquisition de façon insolite, « Le grand inquisiteur » est avant tout un rôle en or pour Vincent Price, ultra charismatique et un film d’une finesse de traitement démentielle grâce à une technique employée de mouvements et de positions de caméra, Michael Reeves, génial créateur, renvoie les films de la Hammer d’un revers de main et balaye tous les autres films sur l’inquisition (même « Mark of the devil ») pour livrer une chronique historique, fabuleuse, épique, grandiose et particulièrement aboutie !
Les décors, les costumes, les paysages utilisés, on se croirait dans un tableau d’un peintre, il y a même du Bergman avec le passage des personnages à gauche de l’écran qui escaladent la côte pour monter dans l’abbaye, tout est ciselé de manière remarquable, l’histoire est exemplaire, les dialogues ne sont pas redondants, Reeves va à l’essentiel…
La love story entre Sarah et Marshall est magnifique et s’insère parfaitement dans le scénario, bien sûr il y a inévitablement des scènes de sadisme mais ce n’est pas le propos premier de Michael Reeves, il a surtout voulu nous conter une partie de l’histoire de la Grande Bretagne et le fait de façon miraculeuse, optant pour un réalisme frontal et dirigeant les comédiens de telle sorte que tout est crédible !
Le timing lors de la mort de la pauvre Elizabeth sur le bûcher a de quoi faire pâlir un Terence Fisher tant la mise en scène est implacable, idem pour la dynamique de la continuité des plans, il n’y a ni trop ni trop peu et rien n’est laissé au hasard, comme au début du film où on se demande où Reeves veut en venir puis, nous découvrons enfin Vincent Price, la star du film, après un prologue utile pour la suite…
On n’ose même pas imaginer la carrière que Michael Reeves aurait pu effectuer s’il n’était pas décédé prématurément, il s’apprêtait déjà à jouer dans la cour des plus grands, c’est vraiment dommage pour le cinéma britannique qu’il soit parti si vite…
« Le grand inquisiteur » se catalogue moins comme un film d’horreur qu’une fresque historique, c’est un film qui comporte de l’action, de l’aventure, du sang, de l’amour et très peu d’humour mais tout cinéphile l’ayant vu ne pourra l’oublier ; la qualité énorme et les capacités de Michael Reeves à créer un univers atypique sont mises en avant pour, qu’au final, on sorte du visionnage abasourdi (avec une fin incroyable, que je ne vous dévoilerai bien sûr pas)…
Incontestablement, « Le grand inquisiteur » est un monument du cinéma d’outre- Manche post Hammer films, doté d’atouts énormes, que ce soit la mise en scène, le scénario, le jeu d’acteurs et la présence légendaire de Price, je ne vois pas ce que l’on pourrait redire de plus sur ce film, magistral et monumental et qu’il faut avoir visionné impérativement…
L’édition DVD de Néopublishing est magnifique avec packaging digipack et fourreau, et les bonus sont conséquents, on y apprend des tas de renseignements utiles, avec notamment des interviews de l’équipe technique qui nous parle de Michael Reeves…
Note : 9/10












Resurrection of Little Matchgirl de Jang Sun Woo, 2002


RESURRECTION OF LITTLE MATCHGIRL
de Jang Sun Woo
2002
Corée du sud
avec Yim Eun Kyeong, Lee Chung Ah, Kangta, Jin Xing, Jeong Doo Hong
Science-fiction/action
124 minutes
Budget : 11 200 000 wons
Synopsis :
Une grande métropole de Corée du sud, aux années deux –mille…
Hee-mi est la petite fille aux allumettes en hommage au conte d’Andersen, cette fois-ci elle vend désespérément des briquets, mais vit dans la rue, c’est l’hiver et la fillette est transie de froid et affamée, aucun badaud ne semble s’intéresser à son sort et la pauvre risque à tout moment la mort par hypothermie…
Ju, un livreur d’un petit restaurant, s’adonne à sa passion des jeux vidéo dans un cyber café local, il y retrouve le sosie de Hee-mi et tombe irrésistiblement amoureux d’elle ; un ami de Ju fait partie d’une compétition de « gamers » et finit par remporter un trophée de meilleur joueur du pays ;  alors qu’ils font la bringue pour fêter ça, Ju, en pleine rue, est témoin d’une agression, puis déboule une brune à moto, Lara, la lesbienne qui flingue tout ce qui bouge et vole dans les airs !
Ju se voit proposer de pénétrer dans un jeu virtuel qui lui permettra de retrouver la petite fille aux allumettes, il sera doté d’une carte de crédit magique, remplie en permanence, mais devra combattre une vingtaine de personnages, disséminés dans la ville et surarmés…
C’est alors que Ju retrouve Hee-mi et ils intègrent un monde parallèle ; fusillades et cascades à moto, poursuites multiples seront leur quotidien, mais ils ne pourront plus sortir de ce gigantesque jeu où ils sont prisonniers !
La seule issue possible est d’arriver au terme du jeu et de remporter la partie…
L’armée, la police, les gangsters, tout le monde est aux trousses de Ju et Hee-mi !
Les deux jeunes gens devront faire preuve d’une volonté en fer forgé pour surmonter les épreuves qui les attendent …
Mon avis :
Conçu comme un énorme jeu vidéo, « Resurrection of little matchgirl » est un spectacle jubilatoire de deux heures où le rythme ne faiblit jamais, aussi bien dans l’esthétique que dans l’action on a affaire à un mix entre « Matrix », « Blade runner » agrémenté de gunfights à la John Woo période « Hard boiled », ça n’arrête pour ainsi dire jamais et on s’en prend plein les mirettes, avec des plans à la « Zu, les guerriers de la montagne sacrée » où les protagonistes volent à dix mètres du sol, le tout chorégraphié de main d’artiste par un Jang Sun Woo au firmament de son talent…
Les trouvailles scénaristiques pullulent et ça barde ! Le personnage de Lara la lesbienne, sur sa moto, gunfightée à l’extrême, envoie du bois et cela fait penser évidemment à Lara Croft de « Tomb raider » mais avec la touche coréenne ; le passage où elle déboule rappelle « Crying Freeman » mais c’est bien là que se justifie le côté science- fiction du film, qui prend ainsi son envol et nous transporte dans un univers cybernétique où les codes sont établis clairement…
Le début mélancolique à souhait est finement orchestré et Sun Woo témoigne d’un sens narratif proche du conte mais qui va bifurquer dès la dixième minute pour transcender le personnage de Hee-mi qui devient central, à la fois dans une histoire d’amour et dans une quête vers l’aventure pure, c’est très habile et l’empathie que l’on a pour la jeune femme est immédiate…
Pourvu de séquences cultes, « Resurrection of little matchgirl » est, paradoxalement, un film méconnu du grand public et qui mérite franchement la réhabilitation, c’est une œuvre sincère, rocambolesque et élitiste ; il faut se doter d’une prédisposition aux univers oniriques pour le voir et le savourer, mais l’action omniprésente aidant, cela fait passer le film comme une lettre à la poste ; « Resurrection of little matchgirl » est ouvert à tous publics, fans de science- fiction et d’actioners, geeks, puristes, tous y trouveront leur compte !
Sun Woo transmet un aspect mystique avec le passage de la pêche (il faut retenir sa respiration et faire descendre le battement du cœur), l’arme futuriste du « maquereau » semble rendre invincible quiconque la possédera, le final avec la plage de sable fin… autant d’éléments qui démontrent l’intelligence de traitement de Jang Sun Woo, qui ne s’est pas contenté de sortir un énième film de bourrins…
« Resurrection of little matchgirl » est vraiment un film à part, une excellente surprise, que je vous encourage à visionner, seize ans après il n’a pas vieilli et fit à l’époque de sa sortie l’effet d’une bombe (Mad movies en fit des louanges et ils eurent raison !)…
L’exemple typique de ce que produit de mieux le cinéma coréen…
Note : 9/10














dimanche 15 avril 2018

Belle de jour de Luis Bunuel, 1967


BELLE DE JOUR
de Luis Bunuel
1967
France
avec Catherine Deneuve, Jean Sorel, Michel Piccoli, Francisco Rabal, Françoise Fabian, François Maistre, Geneviève Page, Pierre Clémenti, Macha Méril, Francis Blanche
Drame
101 minutes
d’après le roman de Joseph Kessel
Lion d’or au festival de Venise en 1967
Synopsis :
Une ville de France, à la fin des années soixante…
Séverine et Pierre Sérizy forment un jeune couple classique qui vit de façon aisée, ils partent en vacances dans une station de ski et retrouvent leur ami Henri Husson et sa femme Renée…
Séverine n’arrive pas du tout à trouver de plaisir sexuel avec Pierre, qui semble distant à ses désirs, la jeune femme a souvent des flashs de fantasmes où se mettent en scène des situations où elle est humiliée ; ainsi elle s’imagine fouetté par les domestiques de Pierre, ou se recevant de la boue par Pierre et Henri, qui la traitent de tous les noms !
Henri s’avère particulièrement libidineux vis-à-vis de Séverine et la drague avec insistance dès que Pierre a le dos tourné ; un jour, dans une discussion, Henri explique qu’il fréquenta il y a longtemps une maison de passes, ce qui excite inconsciemment Séverine…
Finalement, Séverine, qui a noté l’adresse de ce salon de passes, s’y rend ; elle y est reçue par Madame Anaïs, la tenancière, et Séverine semble à la fois fascinée et excitée par cette situation tout en jouant les mijorées ; Madame Anaïs pense que Séverine a des soucis d’argent, petit à petit, la jeune femme va se plier aux nombreux fantasmes des clients du salon de passes, elle n’impose qu’une chose, faire ses prestations uniquement l’après- midi, de quatorze heures à dix- sept heures, elle se fera appeler « Belle de jour »…
Mathilde, la rousse et Charlotte, la brune, les deux autres prostituées du salon de Madame Anaïs, doivent subir les déviances sexuelles de chaque client mais, finalement, Séverine devient assidue et se plie volontiers aux désirs des hommes qui viennent au salon…
Un truand, Marcel, se rend chez Madame Anaïs et flashe sur Belle de jour, il s’avère violent et doux en même temps ; il suit Séverine et mémorise l’endroit de son domicile…
Un événement terrible va se produire, Marcel devient fou et, armé d’un revolver, il va commettre l’irréparable !
Mon avis :
Cinéaste à part, Luis Bunuel choisit d’adapter le roman de Joseph Kessel en prenant des libertés afin de l’orienter à son cinéma, plus personnel et singulier, le résultat est incroyable ! Bunuel agrémente les saynètes de son métrage par des flashs fantasmatiques qui mettent hyper mal à l’aise et ce, dès le début du film ! c’est surprenant et c’est tout cela, par le biais de ces séquences incongrues et insolites, qui va donner le charme vénéneux à « Belle de jour »…
De plus, le casting est démentiel (Deneuve dans un de ses plus beaux rôles, Jean Sorel, Piccoli, Pierre Clémenti, mais aussi Françoise Fabian et la jeune Macha Méril, à noter l’apparition  hallucinante de François « Monsieur Faivre des Brigades du tigre » Maistre en client masochiste ! il faut le voir pour le croire !), l’interprétation et la direction d’acteurs parfaite et l’ambiance se rapprocherait presque de celle d’un film fantastique…
Deneuve est à la fois froide et chaude (si vous voyez le film, vous comprendrez), son personnage de Séverine/Belle de jour est mi-ange mi-démon, elle est attirée par les perversions et pourtant on lui donnerait le bon dieu sans confession ; elle s’embarque dans des situations à priori difficiles (frapper à la porte d’une maison de passes alors qu’elle n’a aucun problème d’argent) mais on dirait qu’elle est excitée et qu’en même temps elle y trouverait une rédemption voire un exutoire en se sentant avilie et humiliée (rarement un film n’a traité aussi bien au cinéma du sentiment de masochisme !) ; dès lors Séverine fera des rencontres louches voire dangereuses – le personnage de Marcel, jeune truand- qui fera basculer sa vie de couple et sa vie tout court…
Le personnage joué par Deneuve est particulièrement ambigu et pas facile à interpréter mais, par son talent et son charme innés, l’actrice parvient à nous le rendre crédible…
Plutôt culotté pour l’époque (on est en 1967), « Belle de jour » peut s’apparenter au genre érotique et n’est pas un film « tous publics » mais paradoxalement jamais la mise en scène de Bunuel ne sombre dans le vulgaire ou le graveleux, c’est peut-être la classe absolue de Catherine Deneuve (habillée par Yves Saint-Laurent) qui donne une aura au film et qui ne tape jamais dans la grossièreté (même le passage avec Francis Blanche ne choque pas le moins du monde !), « Belle de jour » est un voyage cinématographique dans l’inconscient d’une femme, frustrée de ne pas être épanouie sexuellement, et qui va partir dans une trajectoire bizarre, motivée par on ne sait quoi, et pour qui le dialogue conjugal est rompu, faute d’un mari qui n’arrive pas à la satisfaire…
Bunuel transcrit ainsi ce postulat avec une mise en scène à la fois glauque et fascinante, tour à tour, il met mal à l’aise le spectateur mais garde toujours une dynamique pour retenir son attention…
Digne du plus grand intérêt, « Belle de jour » est un chef d’œuvre atypique du cinéma français de la fin des années soixante, la singularité de son scénario et la technicité déployée par Bunuel en font un film indélébile qu’il faut absolument avoir vu…
Un modèle du drame érotique qui a traversé les décennies et, après cinquante années, reste d’une grande modernité par le thème qu’il emploie, toujours d’actualité…
Note : 9/10














Lords of Salem de Rob Zombie, 2012


LORDS OF SALEM
de Rob Zombie
2012
Etats-Unis
avec Sheri Moon Zombie, Ken Foree, Meg Foster, Jeff Daniels Phillips, Dee Wallace, Bruce  Davison, Maria Conchita Alonso, Michael Berryman
Film fantastique
101 minutes
Synopsis :
Ville de Salem, dans le Massachusetts, aux Etats unis…
Une horde de sorcières qui préparait une messe noire est éradiquée, seules restent quelques disciples mais leurs empreintes seront indélébiles, elles ont laissé leurs traces maléfiques dans des endroits de la ville…
Quelques siècles plus tard, Heidi Hawthorne, une jeune femme qui vit seule avec son chien dans un appartement, travaille comme DJ dans la radio locale WIQZ Salem Rock avec ses deux collègues, Herman et Munster ; un jour, Heidi reçoit un colis avec un disque vinyl, elle décide de le passer dans sa radio, chose étrange, le vinyl refuse d’abord d’être lu, puis se passe à l’envers !
La sorcière en chef, Margaret Morgan, a pris possession de l’âme de Sonny, une sexagénaire amie de Heidi, elle devient très insistante vis-à-vis d’elle et veut la forcer à venir chez elle pour boire du thé…
Heidi commence à sombrer dans une névrose, les sorcières de Salem, par l’intermédiaire du disque, pénètrent dans l’appartement de Heidi, les spectres des sorcières font des apparitions dans sa cuisine, dans sa chambre…
Francis Matthias, un journaliste, est invité sur le plateau de la radio WIQZ Salem Rock, puis Margaret Morgan, après avoir terrorisé encore plus Heidi, finit par tuer Francis, avec l’aide de deux autres femmes, elles aussi vampirisées…
Le point d’orgue de tous ces événements atroces va se jouer dans un théâtre où doit avoir lieu un concert ;  la totalité du public est en fait les descendants des sorcières de Salem et Heidi ne pourra plus lutter contre eux, elle est devenue leur égérie, maquillée et accoutrée de façon satanique, les sorcières ont pris entièrement son corps et un gigantesque suicide collectif a lieu !
Mon avis :
Immense réussite à tous les niveaux, « Lords of Salem » est de loin le film le plus méthodique de Rob Zombie, il arrive à cadrer son histoire de façon prodigieuse, optant pour un rythme qui va crescendo et offre à sa femme, Sheri Moon, son plus beau rôle…
C’est elle le pilier du film, il pose son personnage et la fait sombrer dans une folie, par le biais de la possession satanique et, pour une fois, Sheri donne une composition juste et un personnage qui s’équilibre et s’articule parfaitement dans l’intrigue…
On est loin des précédents films de Rob Zombie où ça partait en live en permanence, ici, la dynamique est posée, calme et Zombie y gagne énormément en qualité et en crédibilité, le fait qu’il ait adopté un ton plus atmosphérique fait que le spectateur est immergé en profondeur dans le film du début à la fin…
Rob Zombie segmente son film par des séquences séparées du jour de la semaine, c’est un procédé beaucoup utilisé dans le cinéma d’horreur des années soixante-dix et quatre-vingts, ça bonifie le sentiment qu’a le spectateur qui se passionne instantanément pour le déroulement qui va suivre…
Les seconds rôles sont géniaux (Ken Foree, Meg Foster en sorcière est hyper flippante et Bruce Davison joue à merveille, Dee Wallace, malgré les années, possède toujours son charisme) et jamais autant Rob Zombie n’a donné une dimension autant érotisée et sexuée de Sheri Moon que dans ce film (elle a un corps sublime et Zombie n’hésite pas à nous dévoiler sa plastique sans jamais sombrer dans le graveleux)…
« Lords of Salem », outre la qualité indéniable de son scénario, est un renouveau complet pour le film de sorcières, Rob Zombie s’appuie sur la modernité avec le contexte du film et arrive aisément à imbriquer le « passé » avec les passages de rites païens que l’on voit au début (il fait même référence au wicca), ces deux parties de « Lords of Salem » collent très bien et sont indissociables pour bien comprendre le métrage, qui, de plus n’est pas alambiqué mais simple à appréhender…
Rob Zombie nous donne une mise en scène hyper fluide, au ton juste, qui ne s’embarrasse pas d’éléments parasites, « Lords of Salem » se suit avec le plus grand plaisir et on se passionne tout le long, jusqu’à son issue qui fera dresser les poils du dos (le générique final est un modèle de terreur et de flippe)…
Franchement, il faudrait vraiment faire la fine bouche pour ne pas reconnaître le talent de Rob Zombie et surtout son implication totale dans le cinéma d’horreur et fantastique contemporain…
Une fois de plus, il nous assène d’un coup fatal avec son cinéma, son style et sa patte bien à lui et je ne vois pas trop ce qu’il y aurait à redire sur « Lords of Salem », on passe un super moment de terreur et on a grand plaisir à voir que Sheri Moon Zombie nous prouve qu’elle est excellente comédienne, dirigée de main de maitre par son époux qui s’est ici surpassé !
Dans le cinéma actuel, « Lords of Salem » est un modèle du film de possession satanique qui colle parfaitement à son époque, tout en ne trahissant pas le genre…
A voir absolument !
Note : 9/10













dimanche 8 avril 2018

Boyz n the hood de John Singleton, 1991


BOYZ N THE HOOD
de John Singleton
1991
Etats unis
avec Laurence Fishburne, Ice Cube, Cuba Gooding Jr, Angela Bassett, Morris Chestnut, Nia Long
Etude sociale
102 minutes
Budget : 6 500 000 dollars
Box-office aux Etats-Unis : 57 504 069 dollars
Synopsis :
Ville de Los Angeles, Etats-Unis, de 1984 à 1991…
Tre Styles est un jeune garçon qui reçoit une solide éducation de la part de sa mère, son père est séparé du domicile familial mais Tre le voit chaque weekend ; à la suite d’une bagarre en pleine classe, Tre est renvoyé de son école ; sa mère décide alors de l’envoyer vivre avec son père, Jason dit « Furious », qui, lui aussi, donne une éducation intransigeante à Tre, ne voulant pas le voir tomber dans la délinquance…
Darin et Ricky Baker sont les copains de Tre et les jeunes font les quatre cent coups, la mère de Ricky et Darin semble dépassée ; un jour Darin est arrêté par la police, à la suite d’un vol…
Sept années s’écoulent et nous retrouvons Tre, vivant toujours chez son père ; Brandi, la petite amie de Tre, refuse d’avoir des rapports sexuels avant le mariage, mais Tre veut s’en sortir et s’intégrer au sein de la société, il pratique le football américain, et il reçoit un coach financier afin d’intégrer une prestigieuse université…
Darin Doughboy surnommé « Gras du bide » et Ricky Baker, son frère, quant à eux, continuent leurs frasques, au grand désespoir de leur mère Brenda ; lors d’une virée nocturne, Darin a maille à partir avec d’autres jeunes d’un gang adverse, il les menace en leur montrant son arme, cachée sous son blouson, une fusillade, avec des rafales de Uzi tirées en l’air, sème la panique, Darin, Ricky et Tre quittent le lieu à toute vitesse mais ils sont dans la collimateur du chef de la bande adverse, reconnaissable à son bonnet des Chicago Bulls…
Tout va alors basculer lorsque Ricky est abattu ; Darin n’aura plus qu’un seul objectif : tuer l’intégralité des commanditaires du meurtre de son frère…
Pendant ce temps, Tre, avec la rage de s’en sortir, suit les conseils de son père Jason et ne répond pas à la violence par la violence, son père l’empêche de prendre une arme et de quitter la maison…
Le film suit le parcours de ces jeunes et Singleton dresse un constat très réaliste de la difficulté d’intégration lorsque l’on est issu d’un quartier difficile…
Mon avis :
Œuvre très réaliste et réalisée par un cinéaste prodige (John Singleton n’a que 22 ans lorsqu’il tourne « Boyz n the hood), ce film se démarque de tous les autres par sa crédibilité et sa fougue, mais en même temps, il faut reconnaître qu’il y a un côté extrêmement dramatique avec des passages qui insufflent une émotion intense et surtout, très inhabituel pour ce genre de films, il fait couler les larmes…
La scène où Tre et Darin apportent le cadavre de Ricky au domicile de sa mère, outre le fait qu’il s’agisse d’une fulgurance, ne pourra laisser personne de marbre ; ce passage est simplement bouleversant et traduit bien la détresse, cette détresse lorsqu’on perd un proche, et c’est d’autant plus rageant qu’il s’agit d’une guerre des gangs et là, Singleton frappe très très fort !
Tout dans « Boyz n the hood » configure à en faire LE film sur la délinquance et la guerre des fratries dans la banlieue défavorisée de Los Angeles, Singleton a vécu de l’intérieur ces situations et il n’y a rien d’anodin à dire que son film est autobiographique…
Les antagonistes sont à la fois bienveillants (le père et la mère de Tre, voulant doter leur fils d’un avenir favorable, ils font tout pour lui inculquer les préceptes d’une vie rangée et nickel chrome) mais les « copains » sont toujours partis et partants pour faire les pires conneries (Ice Cube incroyable, c’est peut- être le rôle de sa carrière !) ; John Singleton ne tombe jamais dans les clichés mais décide bel et bien de montrer la réalité au quotidien et son film est visionnaire car il anticipe les émeutes qui eurent lieu un an après la sortie de « Boyz n the hood », il propulse déjà les personnages dans un cauchemar latent qui va se muter en réalité et nul ne semble savoir comment endiguer ce flot de violence, émulation d’une jeunesse qui se cherche et qui semble ne trouver comme catharsis et échappatoire que dans cette guerre de gangs qui gangrène et tue les habitants des quartiers…
A la violence, les trois quarts d’entre eux répondent par la violence, Singleton met en lumière très intelligemment cette équation avec « Boyz n the hood » et cela fait froid dans le dos…
Le film part de 1984 puis après en 1991, nous retrouvons les mêmes personnages et très peu de choses ont évolué au niveau sociétal (Darin a fait de la prison, Tre fait toujours tout et déploie toujours autant d’efforts pour s’en sortir, mais il y a une nouveauté, les filles et d’ailleurs « Boyz n the hood » fera hurler les ligues féministes avec des répliques hyper sexistes, toujours malheureusement d’actualité mais qui s’avèrent répréhensibles de nos jours)…
A proprement parler, « Boyz n the hood » est moins un polar testostéroné qu’une chronique de mœurs, on est loin de films comme « New Jack city » ou « Colors », John Singleton a préféré nous montrer une tranche de vie sur plusieurs années de cette frange sociétale américaine, il dresse un état des lieux radical mais nécessaire pour nous faire comprendre dans quel pétrin ces gens se sont mis…
L’interprétation (de Laurence Fishburne à Angela Bassett et Cuba Gooding jr.) sonne très juste, « Boyz n the hood » est un film violent et dur, mais le réalisme qu’il dégage donne une immense crédibilité et donc de l’intérêt pour qu’on s’attache immédiatement à tous les acteurs et actrices, c’est un sans- faute de la part de John Singleton…
Au niveau de la technique, la caméra est virtuose et c’est vraiment balaise pour un premier film, avec une bande sonore qui colle bien à l’esprit du rap des années quatre-vingt-dix, non là franchement on a là le meilleur film du genre, traité avec intelligence et sans le moindre pathos et qui va frontalement pour donner la vision d’un portrait abrupt et sans concessions…
« Boyz n the hood » est une bombe, un film sociétal essentiel qui a tout compris au sujet qu’il traite et qui dresse une réflexion d’une justesse imparable, il est impératif de voir ce film pour comprendre la société américaine et ce qu’endure cette population de laissés pour compte…
De plus, il n’y a paradoxalement pas trop de misérabilisme (les jeunes s’amusent, font des barbecues) mais lorsque la violence tombe et que les balles pleuvent, cela ramène les protagonistes dans une situation cauchemardesque avec quasiment aucune issue, sinon la mort…
« Boyz n the hood » est un chef d’œuvre à méditer, un coup de maitre absolu du cinéma d’outre Atlantique, Singleton a frappé très fort !
Note : 9/10















Tchao Pantin de Claude Berri, 1983


TCHAO PANTIN
de Claude Berri
1983
France
avec Coluche, Richard Anconina, Agnès Soral, Philippe Léotard, Mahmoud Zemmouri
Drame/Chronique de mœurs
100 minutes
Décors d’Alexandre Trauner
Musique de Charlélie Couture
D’après le roman éponyme d’Alain Page
Synopsis :
Paris, dans le dix-huitième arrondissement, années quatre-vingts…
Lambert, un employé d’une station-service, travaille de nuit, il est porté sur la boisson et souffre de dépression, c’est un ancien policier qui a perdu son fils d’une overdose…
Un soir, Youseff Bensoussan, un jeune délinquant, se réfugie dans la station-service de Lambert, pour éviter un contrôle de police ; les deux hommes, à force de discussions, se lient d’amitié, Lambert, faisant un transfert avec son fils décédé…
Lambert et Bensoussan sont amenés à se revoir et Bensoussan montre son logement à Lambert, il lui fait croire qu’il vend des motos…
Bensoussan est en fait un dealer qui se fait exploiter par Rachid, un tenancier d’un bar mal famé ; un jour, une affaire de transaction de drogue tourne mal et Bensoussan est tué, sous les yeux de Lambert…
L’officier de police Bauer, rend visite à Lambert mais n’obtient aucun renseignement de sa part ; Lola, une des amies de Youseff, est une jeune punk, lors d’un concert au Gibus, Lambert fait sa connaissance alors qu’il cherchait des informations sur la mort de Youseff…
Lambert, dévasté par la mort de Youseff, n’a plus qu’une seule idée en tête : venger le jeune homme !
Lambert se rend alors au bar de Rachid, une fois la fermeture, il le frappe et casse son bistrot en y mettant le feu…
Alors que Lola élit domicile chez Lambert, cette dernière veut le dissuader de faire une erreur…
Finalement, Lambert et Lola décident de quitter Paris pour entamer une nouvelle vie, l’issue ne se va se passer comme ils le souhaitaient…
Mon avis :
« Tchao Pantin » est un film magnifique, à tous les niveaux ; Coluche, dans un rôle à contre-emploi, tient sa meilleure composition, le film nous permet également de révéler Richard Anconina, tout sonne juste, l’histoire, les décors, l’ambiance et l’aura dégagée ; ce postulat de vendetta est magnifiée par le côté « humain » qui se révèle tout le long du film (Coluche a perdu son fils d’une overdose, il voit comme une rédemption le fait de venger la mort de Youseff, comme si cela apaiserait sa conscience, lui qui pense avoir failli dans l’éducation de son fils), les seconds rôles sont très attachants (Agnès Soral, magnifique, Léotard en flic est formidable) ; « Tchao Pantin » est une plongée dans les quartiers louches du dix- huitième arrondissement parisien, tout y est, les bars sordides, la boite du Gibus (avec un concert de Gogol 1er et sa horde), la faune patibulaire des nuits parisiennes, Trauner (immense décorateur qui a travaillé avec Orson Welles) a su retranscrire toute cette ambiance avec des intérieurs craspecs aux papiers peints sales, ces bars au zinc crasseux avec sa clientèle de toxicomanes…
Coluche, dans son rôle de pompiste dépressif, est sidérant de justesse, il n’a pas volé son César (et Berri l’avait anticipé, voulant absolument que son film sorte en décembre 1983 pour qu’il puisse concourir aux Césars 1984, il pressentait que Coluche obtiendrait sa récompense)…
« Tchao Pantin » est presque nihiliste tant il y a peu d’espoir dans ce film, c’est une peinture de la détresse, de la désespérance, mais la mise en scène sait sonner réaliste pour que le spectateur s’attache rapidement aux personnages, à aucun moment Berri ne rend antipathique Lambert ou Youseff, on se prendrait même d’empathie et d’affection pour eux, leur « amitié » est très atypique mais le ton adopté par Berri la rend crédible…
Le final est bouleversant, on est collapsé et il n’est pas exclu de verser une larme tant l’intensité et la gravité sont frontales, on se prend ça en pleine tronche et il faut bien dix minutes pour s’en remettre…
« Tchao Pantin » est une réussite totale, un chef d’œuvre du cinéma dramatique hexagonal ; la singularité de la mise en scène, la précision du scénario et l’authenticité des personnages en font un film inoubliable qui marqua de son empreinte le cinéma du début des années quatre- vingts français…
Un film essentiel dans la carrière de Coluche qui lui permit de prouver qu’il pouvait aussi jouer autre chose que des personnages de clowns après ses pitreries précédentes, c’est SON film, celui qui dévoile une autre facette de l’humoriste, à des milliers de kilomètres de ce qu’on connaissait de lui, il est bluffant…
Anconina, tout comme Agnès Soral, offrent des seconds rôles superbes, humains à l’extrême, mais « Tchao Pantin » est un film qui ne fait pas de cadeau, c’est avant tout un drame, une tragédie même…
Berri signe ici peut être son meilleur film, « Tchao Pantin » marque le spectateur de façon indélébile, c’est net !
Note : 9.5/10













lundi 2 avril 2018

La planète des vampires de Mario Bava, 1965


LA PLANETE DES VAMPIRES
de Mario Bava
1965
Italie/Espagne/Etats unis
avec Ivan Rassimov, Norma Bengell, Barry Sullivan, Angel Aranda, Evi Marandi, Stelio Candelli
Science-fiction
89 minutes
Blu ray sorti chez La rabbia
Budget : 100 000 dollars
aka Terrore nelle spazio
aka Space mutants
Synopsis :
Un futur proche, aux confins de l’espace, dans une lointaine galaxie, les vaisseaux spatiaux, Argos et Galliot se dirigent vers la planète Aura ; le capitaine Mark Markary dirige l’opération, il est assisté d’un équipage composé de Sanya, Wess, Tiona et Brad ; l’Argos reçoit un appel de détresse du Galliot et, après des turbulences très violentes, le vaisseau se pose en catastrophe…
Les membres de l’équipage se battent sans raison, manquant de s’entretuer ; Mark sera le premier à reprendre ses esprits avant que les autres en fassent de même !
Aura semble être une planète hostile, cependant, Mark, Sanya et deux autres spationautes se rendent sur la surface de cette planète…
De fil en aiguille, ils découvrent une navette spatiale échouée depuis très longtemps et personne à son bord, puis deux cadavres aux visages brûlés et mutilés…
De leurs côtés, Wess et Brad sont tués alors qu’ils faisaient le guet, proches de l’Argos !
Leurs corps sont enterrés et l’atmosphère devient de plus en plus éprouvante !
Alors que les défunts reviennent à la vie et sortent de leurs sarcophages, Mark et Sanya comprennent qu’ils ne sont pas seuls sur Aura, une force invisible s’empare des membres de l’équipage et semble « vampiriser » ses victimes…
Le but de ces zombies est de prendre possession des corps des spationautes afin de contrôler les vaisseaux spatiaux pour fuir Aura et se rendre sur… la Terre !
Mon avis :
Unique incursion de Mario Bava dans le genre de la science-fiction (même s’il coréalisa « Caltiki, le monstre immortel » avec Freda, qui peut un peu s’apparenter à de la science-fiction) ou du moins dans le space- opéra, « La planète des vampires » est un pur chef d’œuvre, tourné avec un budget très minime (cent mille dollars !), Bava a su exploiter comme à l’accoutumée les décors pour créer une ambiance vite étouffante et les acteurs, tous pas très connus du grand public, sont impliqués totalement, dans des costumes en cuir noir, qui rappelle l’aspect fétichiste du cinéma de Mario Bava…
Ici pas de meurtres giallesques, pas de wurdalaks mais pourtant Bava inaugure un nouveau style : le gothique de science –fiction, et même si ce n’est pas clairement nommé (sauf dans le titre du film) nous sommes en présence de vampires, de zombies qui prennent possession des spationautes avec pour but de dominer la terre (splendide final !)…
Au niveau des couleurs, c’est un festival bavaien, il s’est surpassé avec des fumées, des ciels ou des ténèbres complètement baroques, quant aux décors des tableaux de bords des vaisseaux, tout est crédible par rapport aux dialogues, il y a une application à rendre possible l’impossible, on peut dire que Mario Bava a exploité tout ce qu’il avait en sa possession pour un rendu magique et absolument exceptionnel !
La musique du film est presqu’en sourdine et n’altère pas le pouvoir attractif des images, il y a un triple impact dans « La planète des vampires », visuel/sonique et narratif, car le cheminement du scénario est sans la moindre faille et exemplaire, d’abord on expose les personnages, puis on perturbe le spectateur avec l’atterrissage en catastrophe sur Aura, pour déboucher sur une nouvelle problématique ; Bava fait, comme toujours, preuve d’une rigueur absolue dans ses plans séquences, sa réalisation est franche et, surtout, sans temps mort, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde, nombre d’autres metteurs en scène se seraient plantés et auraient fait tomber le film dans l’ennui, avec Bava non !
Le génie de Mario Bava réside dans sa facilité à captiver le spectateur, sa réalisation est si fluide que l’on est attiré dès les premières secondes de chacun de ses films, il ponctue son histoire de fulgurances mais ne dévie jamais de son propos premier : donner du plaisir au cinéphile et là, avec « La planète des vampires » on se régale totalement, tout est accessible, tout est homogène et on se prend un pied monumental à suivre les pérégrinations des héros spationautes empêtrés dans une sombre affaire de vampirisme, non seulement c’est une trame très originale mais qui reste dans une trajectoire cinématographique parfaite et simple à comprendre…
Et, cerise sur le gâteau, les éditeurs La rabbia l’ont sorti en blu ray 4K, autant vous dire que l’image est d’une netteté absolue, que l’on distingue TOUT et que les couleurs multiples élaborées par Bava sont retranscrites avec une minutie proche de la perfection…
Tout le monde dit que c’est « La planète des vampires » qui a inspiré le « Alien » de Ridley Scott, c’est vrai, maintenant il faut redonner ses lettres de noblesse à « Terrore nelle spazio » et foncer se procurer ce blu ray, il est essentiel pour apprécier à sa juste valeur la diversité du cinéma de Mario Bava et aussi sa qualité de metteur en scène, c’est dans des conditions optimales avec ce blu ray que l’on peut lui rendre honneur…
Touche à tout génial, Mario Bava signe avec « La planète des vampires » un de ses meilleurs films, à la tonalité juste, à la direction d’acteurs remarquable et à la terreur latente…
Un monument de la science-fiction italienne des années soixante, qui fut interdit aux mineurs lors de sa sortie en salles, peut- être à cause du climat éprouvant et d’une histoire qui fait très peur, aujourd’hui, « La planète des vampires » paraitra inoffensif, il n’en reste pas moins un pur chef d’œuvre à visionner toutes affaires cessantes…
Note :9.5/10